De gauche à droite : Stan, Bacoutobo, Sami Zegnani, Damir, Valentin Gendrot, Ruben. (Photo Champs Libres Julien MIGNOT)
De gauche à droite : Adeline, Yaël, Bacoutobo, Carole, lors de l'émission radio sur C.lab, la veille du débat,
Quel est le rôle de la police ? Les contrôles abusifs, le mal être de la police, l'utilisation de l'espace public différente selon les quartiers .. sont quelques uns des points abordés lors de la discussion (1). Ce sujet polémique, pas simple, leur est apparu comme évident et « iI ne concerne pas que Villejean ».
Yaël résume : « Dans les réponses, il n'y avait pas du tout cette haine anti-police mais l'envie de plus de communication, de relations. Ils avaient envie de la présence de la police sur le quartier, malgré de nombreux récits de violences très choquantes : des humiliations, des insultes racistes très dures de la part de policiers, avec beaucoup de honte chez les jeunes. C'est la première fois qu'ils en parlaient à quelqu'un. » Quelques jeunes (4 ou 5) sont intéressés pour créer un groupe, reparler du sujet et voir. « Que faire pour que ça change ? Pour que les petits frères et les petites sœurs ne vivent pas les mêmes problèmes avec la police ? », précise Carole. « Notre petit collectif est né de ça. C'est ça la première étape. »
En parallèle, les trois professionnelles rencontrent des policiers : le chef de la brigade sécurité territoire, qui intervient sur les quartiers et M. Godin, délégué cohésion police population, policier retraité. Avec eux, elles ont parlé du quartier, du besoin des jeunes d'avoir plus d'espaces de rencontres, de la pression du chiffre... Elles sont aussi allées au Blosne, au centre de loisirs tenu par la police nationale. Ils ont un rôle de proximité, un lien direct avec les jeunes du quartier.
Six mois de préparation.
Pendant six mois, d'octobre 2023 à mars 2024, les quatre jeunes hommes du quartier, Bacoutobo (19 ans), Stan (21 ans), Ruben (20 ans) et Damir (25 ans), ont préparé la rencontre. Ils ont été accompagnés par Yaël, chargée de mission à la Maison de quartier, Adeline et Carole, éducatrices au Relais 35 à Villejean. Celles-ci ont d'abord mené une quinzaine d'interviews, en tête à tête, avec des jeunes du quartier pour cerner leur opinion sur la police. Personne ne les avait interviewés sur ce sujet ni leur avait donné l'occasion de parler de ce qu'ils vivent : « Ces violences sont souvent tues ». Yaël résume : « Dans les réponses, il n'y avait pas du tout cette haine anti-police mais l'envie de plus de communication, de relations. Ils avaient envie de la présence de la police sur le quartier, malgré de nombreux récits de violences très choquantes : des humiliations, des insultes racistes très dures de la part de policiers, avec beaucoup de honte chez les jeunes. C'est la première fois qu'ils en parlaient à quelqu'un. » Quelques jeunes (4 ou 5) sont intéressés pour créer un groupe, reparler du sujet et voir. « Que faire pour que ça change ? Pour que les petits frères et les petites sœurs ne vivent pas les mêmes problèmes avec la police ? », précise Carole. « Notre petit collectif est né de ça. C'est ça la première étape. »
En parallèle, les trois professionnelles rencontrent des policiers : le chef de la brigade sécurité territoire, qui intervient sur les quartiers et M. Godin, délégué cohésion police population, policier retraité. Avec eux, elles ont parlé du quartier, du besoin des jeunes d'avoir plus d'espaces de rencontres, de la pression du chiffre... Elles sont aussi allées au Blosne, au centre de loisirs tenu par la police nationale. Ils ont un rôle de proximité, un lien direct avec les jeunes du quartier.
L'affiche du festival. La prochaine édition de Nos futurs aura lieu du 28 au 30 mars 2025
Choisir de quoi parler.
« On a précisé l'intention, le projet et surtout le message ». L'équipe du Festival Nos futurs a donné son accord. « Les jeunes, très intéressés, se sont sentis valorisés par la possibilité de participer ». Ce sont les mêmes depuis le départ : « 0n était en complicité », précise Bacoutobo ; le groupe s'est vu tous les huit ou dix jours, « parfois jusqu'à 21 h ou 22 h ». Ils ont dû travailler beaucoup d'aspects. Le choix du titre a émergé très vite, « Jeunes, Police : pourquoi tant de haine ? ». Ils l'ont gardé. Ils ont reçu deux invités au final : Valentin Gendrot, journaliste d’infiltration (2), et Sami Zegnani, sociologue (3). Ils se sont rencontrés et ont discuté au préalable, soit en visio soit en présentiel. « C'était important que les gars se sentent en sécurité, en confiance » , note Carole. Ils avaient besoin de comprendre le travail du sociologue et celui du journaliste. « Comment se désaxer de son expérience personnelle : violence, colère …), prendre de la hauteur, essayer de comprendre ce qui se joue des deux côtés ». Quelles questions poser aux invités ? Quels messages transmettre au public ? Le déroulement du jour J. Comment le groupe se présentera-t-il ?
Argumenter son point de vue
Entre eux, même potes d'enfance, ils n'étaient pas toujours d'accord. Adeline souligne : « Il y a eu des débats un peu houleux » ! Ils ont partagé leur propre expérience. Ces discussions sont importantes pour argumenter leurs points de vue : « Exprimer ce que tu ressens, tout en gérant tes émotions . Ils ont réussi à faire tout ça ! Cette expérience-là leur a permis d 'être fier de soi. » Et le débat a permis de mettre en lumière des jeunes de Villejean : « Ils ont été les ambassadeurs du quartier ! » Au départ, ils n'avaient pas forcément le sentiment d'être légitimes à parler. « Vous êtes légitime à prendre la parole, raconte Yaël, vous avez le droit de vous emparer de ce sujet, vous avez le droit d'être en colère. Il y a une place pour vous, il faut la prendre. » Il y a eu quelques moments creux mais ils ont toujours été très « volontaires ». Avec l'association « Ai-je droit ? » (4) ils ont travaillé, pendant deux séances, sur la prise de parole en public. Ce point les intimidait, avec raison.
Toute l'équipe, les invités et les organisateurs du débat.
Un peu de trac
Le jour du débat, ils avaient un peu le trac. Le nombre de participants, autour de 150 personnes, les a impressionnés. Et pourtant, lors des essais avec micros dans la salle de spectacle de la Maison de quartier, « ils faisaient un peu les malins ». Chacun avait son rôle : Bacou a présenté le débat, Stan posait les questions aux invités, Ruben était l'un des invités, à côté du sociologue et du journaliste, Damir a clôturé le débat et proposé au public de poser des questions. Ruben a témoigné vouloir une police de proximité et souhaité juste ne pas être discriminé, être considéré comme un citoyen normal. Parmi les questions : que pensez-vous de « l'abolitionnisme » (la suppression) de la police ? Une réponse simple de Ruben : « Je veux la police dans mon quartier ». A propos quand même de son témoignage sur un contrôle abusif, il avoue ne pas avoir osé en parler à ses parents, pour ne pas les inquiéter.
Une rencontre sur le quartier
Et maintenant, sur le quartier, parmi les suites possibles ? Que des jeunes s'emparent de cette question et qu'il y ait des temps de rencontre avec la police, pour trouver des pistes d'apaisement. « La colère c'est mieux quand on en parle aux éducateurs, aux parents, entre potes », insiste Carole. Laurent Bouladoux, directeur départemental adjoint de la police nationale, en Ille et Vilaine a assisté au débat. Il est prêt à participer à une rencontre sur le quartier. Pour Informer les jeunes sur leurs droits, les mettre en valeur, créer de la communication là où il n'y en a plus, les travailleurs sociaux peuvent contribuer, à leur niveau. Au delà, de nouvelles propositions peuvent aussi surgir. Au Spot Armagnac (5), les travailleuses sociales envisagent d'organiser une rencontre entre jeunes pour parler de l'expérience de ce débat ou un ciné-débat sur les relations jeunes et police. Pourquoi aussi ne pas faire un podcast sur ce sujet ? Ou refaire une émission radio avec C.lab ? Bacoutobo est partant pour renouveler un tel débat. Mais surtout, des changements importants s'avèrent nécessaires : « C'est une question de volonté politique. » Jean-François Bourblanc
L'inauguration du Spot, rue d'Armagnac, le 14 juin 2023
(1) Le débat a été filmé. A ce jour, la vidéo, en cours de montage, n'est pas disponible
(2) Auteur de « Flic, un journaliste a infiltré la police » Valentin Gendrot a infiltré la police pendant près de deux ans. Après avoir suivi une formation de 3 mois à l'école de police de Saint-Malo, il est nommé ADS (adjoint de sécurité), policier contractuel avec permis de port d'armes et droit d'appréhender.
(3) Sami Zegnani. Maître de conférence HDR à l'Université Rennes 1. A publié notamment « Les bandes de jeunes : analyse socio-historique d’un phénomène » dans Les Cahiers du Développement Social Urbain 2021/2 (N° 74
(4) L'association « Ai-je droit ? » fait de la vulgarisation juridique et travaille sur la prise de parole en public.
(5) Le Spot Armagnac (3bis rue d'Armagnac) pour les jeunes de 16 à 25 ans, réunit Breizh Insertion Sports, We Ker (mission locale), Le Relais 35 SEA, la Maison de Quartier de Villejean, Le 4 Bis
(2) Auteur de « Flic, un journaliste a infiltré la police » Valentin Gendrot a infiltré la police pendant près de deux ans. Après avoir suivi une formation de 3 mois à l'école de police de Saint-Malo, il est nommé ADS (adjoint de sécurité), policier contractuel avec permis de port d'armes et droit d'appréhender.
(3) Sami Zegnani. Maître de conférence HDR à l'Université Rennes 1. A publié notamment « Les bandes de jeunes : analyse socio-historique d’un phénomène » dans Les Cahiers du Développement Social Urbain 2021/2 (N° 74
(4) L'association « Ai-je droit ? » fait de la vulgarisation juridique et travaille sur la prise de parole en public.
(5) Le Spot Armagnac (3bis rue d'Armagnac) pour les jeunes de 16 à 25 ans, réunit Breizh Insertion Sports, We Ker (mission locale), Le Relais 35 SEA, la Maison de Quartier de Villejean, Le 4 Bis
Pour en savoir plus :
« Nos futurs » sur TV Rennes. Inattendue spéciale Nos Futurs 2024 sur la radio C.Lab
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